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vendredi 28 octobre 2011

Je pense donc je mange mieux

Je suis complètement ravie de ce billet, une première pour Maman se cuisine. Voyez-vous, j’ai eu l’audace de demander une entrevue à une personne que j’admire beaucoup, la blogueuse Élise Desaulniers, qui vient d’écrire son premier livre, Je mange avec ma tête. Si vous me suivez, vous connaissez peut-être son blogue, Penser avant d'ouvrir la bouche, il est dans ma liste de celles que j’aime suivre, j'en ai déjà parlé ici.

Je ne me souviens plus comment je suis venue à la découvrir, probablement sur Facebook, mais ses propos en matière d’éthique alimentaire sont toujours venus me chercher. Ce que j’aime beaucoup de cette passionnée, devenue auteure, c’est qu’elle ne prend jamais un ton moralisateur lorsqu’elle aborde son sujet de prédilection; son souhait étant de nous faire réfléchir et nous inciter à changer nos habitudes, un petit (ou grand) pas à la fois.

Elle a été bien généreuse, de vouloir répondre à mes questions, en voici un bon résumé. Par contre, je dois vous aviser, si vous êtes comme moi, cette lecture soulèvera plusieurs questionnements sur votre façon de vous alimenter, comme je le dis souvent «quand on sait mieux, on doit faire mieux».

Si tu avais une baguette magique, quelle serait la première habitude que tu changerais chez les gens, par rapport à leur épicerie?

Je ferais en sorte qu’ils n’achètent que ce dont ils ont besoin; 50% de ce qui est produit est gaspillé…

Est-ce possible de faire de bons choix "éthique" lorsque j’achète de la viande à l’épicerie? Comment est-ce que je sais si mon poulet a eu une bonne vie?

L'éthique, répond à la question "comment devrais-je agir au mieux", il n’y a pas d’absolu en ce sens. Agir au mieux, c'est faire le choix qui a le moins de conséquences négatives et qui répond à des principes de transparence, d'équité, de compassion et de responsabilité sociale. Dans cet esprit, manger du poulet "industriel" une fois par semaine me paraît une meilleure option que de manger du poulet bio à tous les jours. Mais manger du poulet bio une fois par semaine est encore mieux. Et ne pas en manger du tout, sans doute la meilleure option.

Ceci dit, comment choisir l'option "la moins pire"? Dans le cas du poulet, si on s'intéresse à l'impact environnemental, il est clair que le poulet biologique a un impact moindre que le poulet industriel parce qu'il a été nourri avec du grain bio (sans pesticides, ni fertilisants chimiques). Généralement, il a aussi une meilleure vie, même s'il n'y a pas de certitudes de ce côté-là. Par exemple, les poulets "bio" sont quand même génétiquement les mêmes que les poulets industriels, sélectionnés pour leur grosse poitrine avec des problèmes de structure osseuse qui les font souffrir toute leur vie. Certains éleveurs font toutefois des efforts pour donner un accès à l'extérieur à leurs animaux, ce qui améliore sensiblement leur bien-être. Mais encore-là, pas possible de savoir à moins de visiter un élevage.

Et pour le poisson? Nous devrions en manger de plus en plus mais j’avoue qu’il y a en a plusieurs sur des listes noires. Lesquels choisir? Le thon et le saumon en conserve, tu en penses quoi?

Si on fait abstraction du bien-être animal, les poissons sont des animaux sensibles et selon moi, leur souffrance doit être prise en compte tout comme celle des mammifères et des oiseaux. Il est préférable de choisir les poissons au plus bas dans la chaîne alimentaire et les poissons sauvages plutôt que les poissons d’élevage. Les petits poissons comme les sardines ou les anchois ne sont pas menacés et leur pêche ne représente pas de danger pour l’écosystème. Je ne vois pas comment la consommation du saumon ou du thon peut être durable. Le saumon provient essentiellement de l’aquaculture (lourdement polluante) et la pêche de thon demeure toujours problématique, peu importe comment on la pratique… Une bonne référence, la liste verte de SeaChoice.

*À noter; les sardines et les anchois sont d’excellentes sources d’oméga-3.

Quel est le pire aliment, selon toi, que nous pouvons acheter en ce moment?

Dur de choisir un "pire". J'aurais tendance à penser au porc industriel. Son élevage a un lourd impact environnemental et les cochons sont des animaux très sensibles, assez près de l'humain, qui souffrent terriblement pendant tout leur élevage.

Du côté des végétaux, je cite souvent l'exemple des ananas, non bio, dont la culture nécessite énormément de pesticides et ce sont les travailleurs, leurs enfants et leurs petits enfants qui en paient le prix. Les cas de cancers et de malformations congénitales explosent au Costa Rica, le plus important producteur.

* Triste paradoxe; l’ananas contient un enzyme nommé la broméline, ce qui fait de ce fruit un super aliment contre le cancer

Quel aliment, selon toi, devrait être une gâterie mais nous en consommons beaucoup trop?

La viande? En 2002, on consommait 108 kilos de viande par année, contre 72 kilos pour les Suisses par exemple. En 1962, on n’en consommait que 80,5 kilos. Notre apport en protéine est beaucoup trop important pour nos besoins. Manger trop de viande est lié à de nombreux problèmes de santé (diabète, cancer, etc...) et c'est sans parler de l’impact sur l'environnement. Avoir une diète végétalienne un jour par semaine aurait plus d'impact sur le réchauffement climatique qu'une diète 100% locale.

* À noter ici que la femme en santé devrait consommer 2 portions de protéines par jour, pour la viande, une portion est de 100 grammes, ce qui équivaut à environ la grandeur de sa paume de main.

Que penses-tu des œufs et des produits laitiers en général? On ne réserve pas un meilleur sort à ces animaux, non? Comment faire de bons choix?

Effectivement, les oeufs et le lait que nous consommons sont produits dans la souffrance. Les poules pondeuses sont entassées en cage, les vaches attachées toute leur vie. Le bio est là aussi une option "moins pire" en terme de bien-être animal. Même chose pour les oeufs de poule en liberté. Mais j'ai tendance à proposer de réduire sa consommation en n'utilisant des oeufs que lorsqu'on en a vraiment besoin. Si on veut des oeufs tournés pour déjeuner, OK. Mais dans un gâteau, ce n’est pas nécessaire. Idem pour le lait, qui peut facilement être remplacé par des boissons de riz, de soya, de chanvre ou d'amande. Le fromage a un lourd impact en termes de CO2. On peut retirer de son alimentation tous les fromages lourdement industriels (et pas très bons au goût) pour les remplacer par des alternatives végétales. Le fromage de chèvre est aussi une option "moins pire".

* Substitut à l’œuf dans une recette de dessert; remplacer par 1 c. à soupe de graines de lin moulues, trempées dans 2 c. à soupe d'eau. Laisser reposer quelques minutes avant d'inclure au mélange.

Quel aliment, à part les fruits & légumes, est toujours au menu chez toi et que nous devrions aussi consommer?

Il y a plusieurs aliments méconnus qui sont extraordinaires et qui méritent de prendre plus de place dans notre alimentation. Si j'avais à en choisir qu'un seul, je dirais le tempeh. Quand on pense alternative à la viande, on pense au tofu. Mais son cousin le tempeh me semble encore plus intéressant, tant au niveau du goût, que de sa texture.


* Je dois confier que je n’ai jamais essayé mais je vous partage mon expérience dès que je le cuisinerai…

Avec l’Halloween qui approche, ça doit te faire frémir tous les chocolats vendus? Comment savoir lesquels acheter?

Même si elle n’est pas parfaite, la certification biologique provenant du commerce équitable, est ce qu’il faut rechercher. Tant pour l’environnement, que pour le traitement correct des travailleurs. J’éviterais tout ce qui contient de l’huile de palme… Mais le plus choquant à l’Halloween, c’est que la majorité de ce qui est acheté ne sera pas consommé.

Qu’est-ce qui pourrait nous surprendre que nous ne savons pas en lisant ton livre? La majorité des gens, même si nous savons ce que nous devrions faire, choisissons de garder nos mauvaises habitudes, qu’en penses-tu?

Je n'en suis pas certaine. Si on pense à l'élevage industriel par exemple, la majorité des gens ne savent pas "vraiment" ce qui se passe derrière les portes closes des fermes. Dès que cette réalité devient plus concrète, dès qu'on "voit" les jeunes porcelets être castrés à froid ou les poules pondeuses être entassés les une sur les autres, modifier ses habitudes devient plus facile. Ce qui m'a le plus surpris en écrivant mon livre, c'est à quel point il est difficile de savoir vraiment d'où vient la nourriture qu'on consomme et comment elle a été produite. C'est sans doute ce qui risque de surprendre en me lisant. Après, les changements viennent graduellement. Mais j'ai confiance. Les gens veulent bien agir. Ils ne savent simplement pas comment faire. En Australie alors qu'on étiquette maintenant les oeufs selon leur mode de production, les ventes de cartons d'oeufs de poules "en cage" ont chuté drastiquement, ça ne serait pas différent ici, si on savait.


Je souhaite que vous aurez apprécié autant que moi le contenu de cet entretien et la générosité d’Élise, que je remercie sincèrement. Merci beaucoup...

Changer ses habitudes, ce n’est pas seulement penser aux animaux, parce qu’il y a souvent aussi un impact humain, qui nous touche tous de près ou de loin.

Je vous invite à lire son article Les 5 piliers d'une alimentation éthique et bien sûr de vous procurer son livre, pour continuer votre cheminement. J’aurais aimé le lire avant de partager avec vous mais il est certain que sa lecture me fera revenir sur le sujet, dans les prochaines semaines, j’en suis certaine...

N’hésitez pas à me laisser vos commentaires sur cette première entrevue.

Bon appétit ;)

Il est à noter que ni moi, ni Élise sommes des nutritionnistes et par ce fait, il est préférable de toujours s’assurer que nous maintenons une saine alimentation, lorsque nous apportons des changements au contenu de notre assiette. Je vous conseil de consulter le guide alimentaire canadien, pour des suggestions de substituts santé.

Pêle-mêle d'articles sur les sujets abordés dans cet entretien:

Une autre entrevue avec l'auteure...

Les oméga-3 et la surpêche...

Aliments à interdire avant le foie gras, voir ici et ici... De bonnes pistes de réfléxion...




5 commentaires:

Dominique a dit...

Très bonnes questions et réponses! Bravo à vous deux vraiment une super entrevue. Merci. J'aimerais partager avec vous comme suggestions de substituts santé éthique un outil bien pratique le guide alimentaire végétarien et son supplément végétalien de Danielle Lamontagne, Dt.P., Nutritionniste.
http://www.soscuisine.com/nutrition_bookstore.php?sos_l=fr

Une référence à consulter.

Marie-Claude a dit...

Très bon billet. Le sujet me touche beaucoup évidemment. J'ai hâte de lire tes commentaires sur son livre!

Maman se cuisine a dit...

@ Dominique, je m'empresse d'aller voir ce guide, je ne savais pas que ça existait... Il faut être prudent pour ne pas se créer des carences, je m'y connais très peu. Merci ;)
@Marie-Claude; j'aimerais tellement avoir plus d'heures dans mes journées, je pourrais lire plus vite tout ce qui m'intéresse mais oui, je vais y revenir, je travaille sur une liste d'engagements mais je veux voir avec le livre avant... Merci ;)

Caroline (La Belle) a dit...

Super intéressant!
Ne serait-ce que pour avoir l'esprit alerte lors de mes prochains achats à l'épicerie.

Bizarre car depuis que nous avons déménagé, le frigo est moins rempli et je me porte tellement bien. Probablement parce que je jette moins de nourriture et j'utilise plus intelligemment!

Maman se cuisine a dit...

@ La Belle, c'est l'expérience qui rentre, j'ai un billet en tête, depuis le début de ce blogue, j'ai réduit de beaucoup ma facture d'épicerie; cuisiner mieux, s'organiser et planifier, il faut bien que ça nous rapporte une peu; la santé et les sous, ce n'est pas négligeable comme bienfaits ;)